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Photo du rédacteurLucie Lahaie

COMMENT RÉUSSIR SON MARIAGE… DE PASTA ET DE SAUCE!


On ne peut plonger dans la cuisine italienne sans que ne surgisse inévitablement, et quand même assez rapidement, la fatidique question de la combinaison parfaite pâtes et condiment. Et quand on se retrouve en mode approfondissement de la cuisine italienne, on finit par apprendre que les pâtes pour les Italiens, c’est du sérieux.


Plat de spaghetti concocté lors d'un retour du marché avec fleur d'ail et branches de betteraves

Saviez-vous qu’il existe plus de 300 sortes de pâtes sur le marché? Courtes, longues, pleines, creuses, lisses, rainurées, minces, épaisses, courbées, etc. Mais attention, seul un petit groupe de quatre sortes de pâtes constitue 70% des pâtes vendues en Italie. Essayez de deviner quelles sont ces 4 magnifiques (c’est ainsi que certains les surnomment). Et tiens, mettez les gens autour de vous au défi. Quelles sont les quatre pâtes les plus vendues en Italie? Voilà un beau jeu de devinette pour les vacances. Le prix à gagner? Ça pourrait être un délicieux plat de pâtes! La réponse est au bas de l’article, mais cherchez un peu avant d’aller voir!


Malgré toute cette variété de format de pasta, il semblerait que si un doute s’installe lorsqu'on se retrouve devant un étalage ou devant son propre garde-manger, ce sont les spaghetti qui l’emportent. Mine de rien, je viens de vous nommer une des quatre magnifiques!


LA PASTA, C’EST DU SÉRIEUX


Quand on se retrouve en mode approfondissement de la cuisine italienne, on finit par apprendre que les pâtes, c’est du sérieux. Chimie, physique et mécanique entrent en scène comme vous le verrez dans ces propos sur les quatre magnifiques. Je vous propose ici ma traduction libre (comme toujours) :


Elles [les 4 magnifiques] ont non seulement un comportement différent à la cuisson, mais on peut saisir aussi de subtiles différences de saveurs et de palatabilité* (bel exercice de diction en passant!) quand on les mastique. Un seul élément, si minime soit-il, change tout : la courbe dans le format de la pâte, le parfum de la sauce, les temps et modes de cuisson (à l’eau bouillante salée, repassées à la poêle, façon risotto) et même la façon de la servir dans l’assiette.
* palatabilité : Qualité d'un aliment palatable (c'est-à-dire) qui procure une sensation agréable lors de sa consommation. (OQLF)

CUISINE ET ARCHITECTURE


Avez-vous déjà pensé que la cuisine et l’architecture puissent être connectées? Préparer des aliments destinés à être mangés, cela signifie construire, assembler, composer, comme en architecture. Préparer un plat, c’est préparer une construction dans laquelle le choix et l’assemblage des «matériaux» est important.

«Les pâtes, c’est de l’architecture pour la bouche» (Peter Kubelka, cinéaste autrichien et, entre autres, professeur de cinéma et de cuisine)

Selon Kubelka, pour savoir si le mariage d’un condiment et d’une pâte est réussi, il ne suffit pas de regarder à distance. C’est la bouche qui devient un espace d’étude qui nous fournira la réponse. La langue, les papilles, les dents se mettent à l’œuvre et transmettent l’information au cerveau (note : je vous jure, j’ai lu ça… quand je vous disais que les pâtes, c’est du sérieux). Il précise que seule une cuisson parfaitement al dente peut nous permettre d’apprécier ou d’évaluer correctement le mariage avec le condiment.


Ainsi, il avance qu’un plat de pâtes, c’est de l’architecture pour la bouche. Il compare les pâtes à des briques, ce matériau que l’on fabrique avec des formes, des textures et des dimensions variées (comme les pâtes) afin de permettre la réalisation d’ouvrages architecturaux. Je n’avais jamais envisagé auparavant mon plat de pâtes comme une œuvre architecturale. Intéressant quand même…


Je n’ose pas m’aventurer plus loin du côté de l’architecture, mais cette science m’aura toutefois permis d’illustrer l'importance du format de la pâte dans l'assiette. (Je connais bien un ou deux de mes lecteurs que la notion d’architecture va tout de même interpeler!) Je garde en tête cette analogie avec l’architecture, parce qu’elle m’aide à faire un meilleur choix de pâtes selon le condiment et le résultat souhaité.


FINALEMENT, EXISTE-T-IL DES RÈGLES?


Lors de mon stage à Florence en 2011, je me souviens un soir avoir noté dans mon carnet de ne pas oublier de demander à Lino, le chef, de me donner les grandes lignes concernant le choix des pâtes pour accompagner une sauce. Il m’a transmis quelques règles, certes, mais je suis restée sur l’impression que tout ça demeure tout de même nuancé et très ouvert aux variations.


Une sauce pleine de textures et dense comme la sauce bolognaise (ragù bolognese), par exemple, sera servie avantageusement avec des pâtes courtes structurées (comme les rigatoni ou les tortiglioni), mais elle le sera tout aussi bien avec des tagliatelles aux œufs (plat emblématique de Bologne, en Émilie-Romagne).


Mon assiette de Tagliatelle alla bolognese chez Da Lucia à Bologne, mai 2019.

Les pâtes alla carbonara sont parfaites lorsqu’elles sont cuisinées avec des pâtes longues, mais les rigatoni constituent un choix tout aussi optimal, ai-je souvent vu, puisqu’ils permettent d’emprisonner dans leur creux les morceaux de pancetta ou de guanciale. Par contre, il ne faut jamais préparer un plat de pâtes alla carbonara avec une pâte aux œufs (puisqu’il y a déjà des œufs dans le condiment).


Je me souviens m’être promenée dans les rues étroites et abruptes d’un village des Cinqueterre (en Ligurie) à la recherche d’un endroit pour manger. Sur tous les menus on retrouvait un plat de pâtes au pesto, ce condiment natif de la région fait avec le basilic genovese (de Gênes). On le proposait tout autant avec les Trofie (pâtes courtes) qu’avec les Trenette (pâtes longues étroite et plate). J’ai eu la chance d’y aller quelques fois et je ne saurais vous dire avec laquelle le plat est meilleur. L’expérience en bouche est différente en raison de la structure de la pâte mais on note dans les deux cas une très haute palatabilité! (Wow! Contente d'avoir pu insérer ce nouveau mot dans mon article!)


Un des éléments importants lorsqu'on prépare une pâte au pesto et que j'ai appris là en Ligurie, c’est l’ajout d’une pomme de terre pour assurer l’aspect crémeux. À ce propos, voir mon article : HERBE DE PETIT DRAGON, POUR UN PESTO INÉDIT et ma vidéo-recette ici.


Trofie avec pesto fait au mortier (et pomme de terre écrasée)

QUELQUES RÈGLES…


Je vais tenter de vous livrer ici un résumé des règles de base que plusieurs spécialistes corroborent. Quelques paramètres peuvent être envisagés pour tenter de présenter les meilleurs combinaisons pâtes et condiment : la longueur (courtes ou longues), la forme (courbés ou droites, pleines ou creuses), la texture (rainurées ou lisses). J’ai choisi un paramètre facile à repérer : la longueur. Vous constaterez qu’un même condiment peut se retrouver du côté des pâtes courtes ou longues, lisses ou rainurées… C’est comme ça les règles, c’est fait pour être transgressées!


Pour les pâtes longues :

Tagliatelle et fettucine : les sauces à la viande et les sauces légères aux fruits de mer.

Lasagnette et pappardelle : sauces riches et relevées comme celles avec du gibier (lièvre), ou gibier à plumes (canard) ou des viandes sauvage (cerf, sanglier), avec les champignons porcini, les noix, les fromages (Gorgonzola) et les truffes.

Spaghetti, bucatini, linguine : sauce tomates, thon, crustacés et mollusques, petits condiments maison vite faits comme : un pesto / une combinaison ail et peperoncino ou encore câpres et anchois / un mélange de légumes du marché (comme ce qu'on retrouve sur la photo de couverture tout en haut).

Capellini (cheveux d’ange) ou tagliolini : beurre ou huile et fromage ou encore soupe.


Plat de spaghetti aux petites palourdes en Sardaigne, septembre 2019.

Pour les pâtes courtes :

Rigatoni, penne rigate, tortiglioni ou autres pâtes courtes rainurées : sauces denses, peu homogènes comme sauce à la viande ou sauce de légumes. Les pâtes courtes lisses par contre s’accordent mieux avec les sauces à base d’œufs ou de crème.

Fusilli : sauces légères aux tomates et légumes du jardin.

Farfalle et penne : parfait pour les salades froides


Au moment de choisir mes pâtes pour un repas, je reviens à la métaphore de l’architecture. J’essaie de ne pas négliger l’aspect esthétique : l’accompagnement doit faire ressortir la forme et l’aspect des pâtes à la perfection. Je veux aussi considérer l’expérience en bouche, la pâte doit retenir le condiment et procurer une agréable sensation qui donne envie de répéter.


OUF!!!


Voilà beaucoup d’éléments à considérer. Mais je me répète souvent qu’il faut se faire confiance! Au fil de nos expérimentations, des règles qui nous sont propres se définissent et ce sont elles qui deviennent les plus justes, les plus vraies... pour nous.


J'ai préparé un condiment de fleurs d'ail et de courgettes que j'ai servi avec des tagliatelle aux oeufs l'autre jour... Je me suis permis une entorse peut-être, mais c'était délicieux. Vous trouverez la vidéo-recette ici!






UN PEU DE POÉSIE


Ahhh! Un peu de détente en terminant après ce lot d’information qui, je l’espère, ne vous découragera pas trop. Je vous transmets ici un très court extrait que j’ai lu au fil de mes recherches et qui m’a touché. J’y décèle l’amour et le respect que les Italiens portent à la pasta. Il est question des formes et de la texture qui vont déterminer le comportement de la pâte avec la sauce.


Celles qui sont rugueuses ou rainurées retiennent mieux les sauces, celles qui sont trouées les accueillent dans une étreinte, celles qui sont lisses se laissent envelopper.

Tout ça me fait penser que si on prête attention à notre choix de pâte, la poésie peut se glisser doucement dans notre assiette. Je vous en souhaite tout plein!


Au plaisir,

Lucie





Les quatre magnifiques : spaghetti, penne, rigatoni et fusilli.



Pour lire un intéressant article en lien avec Peter Kubelka et les pâtes :

Peter Kubelka - Ground Plan - Northern Architecture, 18 déc. 2020.


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