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Le risotto ou l'art de composer une symphonie


«Cuisiner un risotto, c’est devenir le compositeur d’une symphonie concertante*, parce que, à la fin, tous les ingrédients doivent être en harmonie les uns avec les autres. Le secret pour y arriver : l’amour et l’engagement que l’on dédie au plat.»**

Ça vous donne envie de vous mettre aux fourneaux? Moi oui, en tout cas. Devenir la «compositrice» d’un risotto, ce n’est pas rien!


* Merci à mon ami musicien Jean-François Longval qui m’a inspirée pour la traduction bien libre de l’expression articolata sinfonia.

** Tiré de Taccuini Gastrosofici rivista di cultura alimentare fondata da Alex Revelli Sorini e Susanna Cutini.


Risotto aux asperges (Riseria Ferron près de Vérone mai 2019)

HISTOIRE ET LÉGENDES


J’ose à peine m’aventurer à vous raconter l’Histoire et les origines du riz et du risotto en Italie, car elle est pleine de légendes et d’incongruences. Mes recherches m’ont toutefois amenée à faire des lectures passionnantes et j’aimerais partager avec vous au moins une des légendes qui a frappé mon imaginaire.


Une photo que j'aime beaucoup prise depuis les toits du Duomo de Milan (Automne 2005)

Nous sommes dans les années 1500, lors de la construction de la cathédrale de Milan (le Duomo). Un des maîtres verriers avait un employé qui ajoutait toujours du safran pour colorer le verre et rendre les vitraux plus brillants. Un jour, le maître dit à la blague à son élève qu’à force d’utiliser le safran dans toutes ses pièces, il va finir par en manger. Piqué par cette boutade ou simplement pour lui jouer un tour, l’élève aurait pris entente avec le cuisinier du maître afin qu’il ajoute du safran dans le riz qui serait servi au somptueux banquet du mariage de sa fille.


RISUS OPTIMUS


Risus optimus, « excellent riz», c’est ce que les convives milanais auraient lancé après avoir goûté ce riz jaune (à la grande surprise du cuisinier et de l’élève). On dit, à la blague, que depuis cet événement, les vitraux devinrent un peu moins jaunes et le riz, un peu plus! Certains avancent même que le mot risotto viendrait de la contraction de riso ottimo, traduction en italien de risus optimus. Voilà une première incongruence concernant l’origine du mot, puisqu’à cette époque et jusqu’en 1700, on ne parle encore que de riz cuit dans l’eau et non de risotto. Il faut attendre dans les années 1800 pour commencer à voir dans les registres culinaires les premières recettes codifiées de riz chauffé avec du beurre puis baigné avec du bouillon et fortement agrémenté de pistils de safran. On parle ici du Risotto alla milanese, l’ancêtre, si l’on peut dire, de tous les risotti.


Histoire, légendes et on-dit… je m’arrête là avant de trop vous embrouiller. Le risotto, c’est du sérieux!

Lucia et Donaldo prenant l'aperitivo devant le Duomo de Milan en réfection... quelques années après sa construction! (Automne 2005)

LA CUISSON FAÇON RISOTTO


On sait que le riz vient de l’Orient et, peu importe le chemin qu’il a emprunté pour arriver en Italie, que ce soit grâce aux navigateurs vénitiens qui le ramenaient ou aux Espagnols qui l’emmenait jusqu’au port de Naples, une chose est certaine, c’est qu’il est maintenant cultivé en Italie, dans le Nord. Et, certitude ultime, la «cuisson façon risotto» du riz, ça c’est totalement italien.

«Ma siamo stati noi italiani, con la creatività che il mondo ci riconosce, ad inventare e a rendere famoso il risotto. (https://www.risotti.it/storia.htm)
Mais ce sont nous, Italiens, avec la créativité que le monde nous reconnaît, qui avons inventé et rendu célèbre le risotto. (traduction libre de moi-même!)

Et pour assurer cette certification d’origine (et rassurer les Italiens sur leur invention), le célèbre chef français Auguste Escoffier le confirme lui-même en parlant du risotto comme étant une « préparation à l’italienne ». Et voilà, tout est dit sur l’italianité du risotto!


DES HISTOIRES DE RISOTTI


Lors de mes recherches, j’ai été surprise de lire qu’un risotto, dans son sens le plus générique, c’est une soupe sèche de riz. Logique, oui, mais pas très appétissant. J’aimerais tenter la chance de vous mettre en appétit et vous donner envie d’en cuisiner en vous racontant deux de mes histoires italiennes avec le risotto.



Avec mon frère à Rome... avant le fameux risotto!

J’ai le souvenir de mon premier passage à Rome. J’étais partie de Florence pour aller retrouver mon frère le temps de quelques heures, de plusieurs pas et de quelques arrêts pour manger. À la fin de la journée, nous sommes à la gare Roma Termini et nous avons près d’une heure à attendre le dernier train rapide pour Florence à 20h; donc aussi bien manger avant de partir. Nous marchons à travers les stands de restauration à la recherche d’un petit «snack», et voilà que nos regards se fixent sur les mouvements énergiques d’une cuisinière de l’autre côté d’un comptoir. Elle s’affaire à brasser avec grande amplitude un mélange semi-liquide dans une poêle de certainement 40 pouces de diamètre (j’exagère parfois, mais ça donne quand même une idée!). Nous demandons au commis du comptoir ce qu’elle prépare. Il nous répond : « Un risotto pomodori e pesto. Sarà pronto in qualque minuti. »


Attendez là… c’est que nous sommes à la gare de trains de Rome, à chercher quelque chose à grignoter avant de quitter et voilà que nous nous apprêtons à commander un plat de risotto aux tomates et pesto fraîchement cuisiné! Nous n’avons jamais oublié ce moment et aussi combien il était bon ce «risotto de gare», avec des saveurs authentiques (vraies tomates, vrai pesto) et parfaitement équilibrées. Je le savais déjà, mais j’ai compris une fois de plus que la nourriture pour les Italiens, c’est sacré, même quand il est question d’un p’tit «snack».


Nous servons encore ce risotto dans nos ateliers culinaires et on l’appelle parfois le Risotto Roma-Termini.


Moment de grâce…

Je suis partie avec un groupe pour un voyage culinaire et artistique en 2017. Nous devions arriver à Florence tard en fin d’après-midi, mais grâce à un concours de circonstances dès notre arrivée à l’aéroport et à quelques changements de vols, nous sommes arrivés en début de matinée. Quelle chance on a eu! Une journée entière à Florence en cadeau. Nous laissons nos bagages à l’hôtel, avec la permission du proprio qui n’en croyait pas ses yeux de nous voir déjà arrivés, puis nous descendons prendre un café. Comme nous sommes tout à côté du restaurant Da Lino (mon point d’ancrage quand j’arrive à Florence, car c’est là où se trouvent mes amis chefs), je vais demander à Lino et à Nicola si on peut aller prendre le lunch du midi. - « Juste un petit quelque chose, car nous sommes sur le décalage, pas dormi de la nuit, etc. » - «Oui oui pas de problème, on vous attend.» Je retourne retrouver mon groupe et nous voilà tous d’accord pour aller prendre notre premier repas chez Lino.


Les premiers moments avec un groupe lorsqu’on arrive en Italie, c’est toujours bien spécial. Les gens ne se connaissent pas entre eux et il y a plein de choses à raconter. Et, lors de ce repas du midi qu’on vivait comme un cadeau du ciel (c’était le cas de le dire puisque nous étions fraîchement débarqués de l’avion!), l’enthousiasme prenait le dessus. Nous étions donc tous très volubiles assis autour de la table chez Da Lino lorsque nos assiettes de risotto aux figues et Gorgonzola nous ont été servies. Puis d’un seul coup : silence… Ç’a duré au moins 30 secondes si ce n’est pas plus. On n’entendait que le bruit de nos fourchettes qui plongeaient dans l’onde crémeuse du risotto. Nous nous sommes tous regardés : c’était définitivement le meilleur risotto de notre vie. Il avait un goût incomparable grâce à une variété particulière de figues que Roberto (le serveur) avait cueillies chez lui le matin même. Une saveur impossible à reproduire, la jouissance d’un instant… tant qu’il en reste dans notre plat. Merci Nicola, merci Roberto et merci Lino.



Souvenir d'un risotto inoubliable (Florence, juin 2017)

Voilà… Cuisiner un risotto peut nous amener à composer une délicieuse symphonie…


QUELQUES RÈGLES


C’est simple de «risotter un riz» (il fallait que j’écrive ça quelque part, c’est trop beau!). Tiens je vais risotter un riz ce soir! Risotter, c’est cuire à la façon risotto. Pour cela il y a quelques règles à suivre dont la première consiste à nacrer le riz (la tostatura), c’est-à-dire chauffer et huiler le grain. De cette manière, on prévient la rupture ou l’éclatement du grain en cours de cuisson (qui dure de 16 à 18 minutes) et on lui permet de relâcher graduellement son amidon. C’est ce qui rendra la préparation crémeuse (sans crème) et le grain al dente comme il se doit.


Une autre règle importante consiste, en finale, à ajouter beurre et, la plupart du temps, fromage parmesan puis de brasser énergiquement (la mantecatura).


Et des règles… il y en a d’autres : le type de riz, la qualité et la quantité de bouillon, le moment où il faut l’ajouter, le temps de repos, etc.


Si l’envie vous prend de devenir compositeur de risotto (ou plus simplement d’apprendre à risotter un riz!), nous offrons régulièrement des ateliers en mode présence ou en mode virtuel dans lesquels nous vous révélons tous nos secrets. Jetez un œil à la programmation pour savoir comment composer une infinité de variations sur le thème du risotto.


Et en terminant, je vous souhaite de vivre le bonheur de cuisiner et de rencontrer l'agréable sentiment d'accomplissement qui l'accompagne parfois... comme lorsqu'on réussit un bon risotto.


Un de mes grands plaisirs d'été : cuisiner un risotto en plein air (Risotto aux artichauts, juin 2020

Au plaisir,

Lucie







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