PROPOS CULINAIRES ET PHILOSOPHIQUES
SUR L’AMERTUME
L’amertume, ce n’est pas la saveur du mois, ç’a été celle de toute l’année. Pour plusieurs en effet, 2020 laissera un goût amer, très amer. Je vous propose quelques recettes pour nous réconcilier avec l’amertume, à tout le moins dans nos assiettes.
Il faut se le dire, on a besoin de réconfort en ce moment. Pour ma part, je commence sérieusement à chercher mes repères habituels propres à cette période de l’année. Je pense par exemple à la joyeuse anticipation de ces réunions avec la famille ou les amis que je vis habituellement et l’enthousiasme que tout cela génère en moi.
Aussi, je commence à entendre « l’amertume » (oui, l’amertume a un goût mais une voix aussi, parfois toute petite) autour de moi. Elle émane de personnes que je croise dans une épicerie, petite ou grande (le seul endroit en fait où je me rends ces temps-ci). Tout dernièrement, j’ai entendu de la bouche d’une dame de nature plutôt enjouée qu’à tous moments elle avait envie de se mettre à pleurer sans raison précise. Ouf! Ça m’a donné un choc.
Il faut dire qu’à venir jusqu’à ces jours-ci, je me suis étourdie, inconsciemment peut-être, au point ne pas avoir le temps de penser au temps des fêtes. Je me suis donnée, non pas corps et âmes, mais disons pendant de très très longues heures, dans le nécessaire et substantiel virage en ligne de nos cours de cuisine. Il y avait toujours quelque chose à tester, à publiciser, à organiser, à chercher, à apprivoiser (comprendre ici patente ou plate-forme informatique). Et puis il y a les réseaux sociaux, il faut être présent, tous les jours. Il faut devenir le meilleur ami de l’algorithme, celui qui doit absolument jouer en notre faveur. Et j’en passe... Toute cette création me passionne et je n’ai pas eu vraiment le temps de penser que Noël, ce sera bien spécial cette année pour toutes sortes de raisons, pour tout le monde et pour moi aussi. Un p’tit arrière-goût amer s’installe…
L’AMERTUME
L’amertume, ce n’est pas la saveur du mois, ç’a été celle de toute l’année. Pour plusieurs en effet, 2020 laissera un goût amer, très amer.
Étant par nature trrrrrès résiliante, je me dis : aussi bien utiliser l’amertume et la faire contraster avec autre chose; ça pourrait être bon (à interpréter dans le sens culinaire et philosophique). Par le biais de ma bien-aimée cuisine italienne, j’aimerais vous donner envie de cuisiner des plats dans lesquels l’amertume trouve sa juste place grâce au choix des éléments qui l’accompagnent et la complètent (à interpréter dans le sens culinaire et philosophique, encore une fois).
LE RADICCHIO
C’est avec le radicchio que j’ai choisi de vous inviter à cuisiner l’amertume. En Italie, surtout au Nord, c’est le légume-roi du solstice d’hiver. Il arrive donc avec la période des fêtes (bon! voilà donc le lien qu’il me fallait pour rattacher cet article avec la période de Noël!). Il fait partie de la famille de la chicorée (il ne faut pas le confondre avec le chou rouge). Il dériverait vraisemblablement de l’endive à feuilles rouges. La principale variété qu’on trouve ici en épicerie s’apparente au Radicchio Rosso di Verona (Radicchio Rouge de Vérone… avouez que ça commence bien pour cuisiner un plat!). Un légume pommé tout rond, marbré de rouge-pourpre et de blanc, c’est magnifique quand on s’y arrête.
J’en mets un peu trop vous pensez? Dites-vous que je me suis pourtant calmée si je compare à mon enthousiasme d’il y a quelques années. Il faut dire que j'avais acheté un livre de recettes consacré exclusivement au radicchio lors d’une escapade à Venise en 2010 (pendant le Carnaval).
Je me souviens m’être fait dire par ma petite famille que c’en était trop lorsque je leur ai servi une confiture de radicchio sur une crème brûlée aux poires…
Il me reste toutefois juste assez de folie pour installer mon radicchio dans mon sapin pour la photo de couverture!
APPRIVOISER L’AMERTUME
L’amertume du radicchio, il faut n’en faire qu’une bouchée, puis une autre, puis une autre… C’est une saveur à apprivoiser. Pour vous tenter un peu, pensez à un Risotto poires et radicchio aromatisé à l’Amarone. Pour ceux qui connaissent la technique du risotto, voici grosso modo comment le cuisiner.
Je fais tomber un poireau et la demie d’un radicchio coupés en fine tranches dans l’huile d’olive et je mets de côté. Au moment de déglacer (après avoir bien nacrer mon riz), j’y vais avec un peu d’Amarone (un peu, il faut en garder pour boire!) et j’ajoute à la mi-cuisson le mélange poireau et radicchio. À la fin j’ajoute beurre et Parmesan (pour rendre crémeux), ainsi que des petits cubes de poires que j’ai préalablement fait revenir dans du beurre et déglacé avec un peu de Grappa (eau-de-vie italienne). Le « Petit Prince Radicchio » vous dira : « S’il te plaît, apprivoises-moi! »
Je vous glisse un mot sur les deux recettes avec le radicchio que j’ai ajoutées dans la section CUISINER ET VIVRE, sous SALÉ.
D’abord, ma petite création (en collaboration avec Nicola Dolfi (notre ami Florentin) qui m’a recommandé l’ajout de poireau et de balsamique) : Parmigiana de poireaux, pommes et radicchio. Le mot Parmigiana (l’inspiration pour ce plat me vient de mon plat favori l’Aubergine à la Parmigiana), ça veut dire qu’il y a une bonne quantité de parmesan. Tous ces éléments, le doux-sucré du poireau et des pommes, le salé du parmesan, l’acidulé-sucré du vinaigre balsamique, viennent contraster avec l’amertume du radicchio et rendre sa présence agréable dans l’assiette.
C’est un plat qui se mange seul, en entrée ou en plat principal, tant le mélange de saveurs est complexe. Je vous avertis, la première bouchée est surprenante. On se dit : Mais qu’est-ce c’est que ça! Mais il faut continuer puis après une bouchée, puis une autre, notre palais apprivoise et en redemande.
La seconde recette que je vous propose est toute simple et rapide à faire : Radicchio al forno (servi en papillote). Il s’agit d’une recette que je proposais dans un cours il y a de cela plus de 10 ans. Ici, c’est la présence de Sambuca et de raisins secs qui viennent équilibrer l’amertume du radicchio avec aussi le salé de la pancetta. Bel antipasto, avec des saveurs hors du commun.
SES BIENFAITS
Jusqu’ici je n’ai parlé que de sa couleur envoûtante (pour moi en tous cas!) et de son goût amer, mais le radicchio a tant d’autres choses à offrir. Il est riche en antocianine (la substance qui lui confère sa couleur rouge), un super antioxydant qui freine le vieillissement cellulaire. Les molécules qui lui donnent son goût amer agissent comme anti-inflammatoire. Le radicchio a une haute teneur en fibre et il ferait bénéficier notre foie d’une effet protecteur et épuratif.
RÉCONCILIONS-NOUS
L’amertume fait partie de la nature. Elle a joué autrefois pour nous un rôle de protection puisque son abord désagréable nous empêchait de manger des végétaux dangereux. Mais puisque c’est Noël réconcilions-nous avec l’amertume et profitons de ses bienfaits.
Voilà je m’arrête… Tu parles d’un article juste avant Noël! Pas de recette de panettone, ni de copieux repas de Noël italien. Disons que l’inspiration n’était pas du côté de la tradition et du classique... ça ressemble au Noël de cette année finalement. C’est un Noël différent qui peut, si on le souhaite, laisser place à la découverte. C’est un peu ce que j’ai voulu partager avec vous.
Je m’en voudrais toutefois de ne pas vous laisser une autre recette, un classique cette fois, avant de vous quitter… mes Sablés de Noël à l’huile d’olive (section CUISINER ET VIVRE, sous SUCRÉ). Plusieurs les connaissent déjà. Ils se préparent tellement rapidement (en 15-20 minutes), que ça ne vaut pas la peine de se passer de cette saveur de Noël. Ils ne sont pas trop sucrés ni trop gras, mais ils fondent en bouche. Pour ma part, j’en dégusterai volontiers dans les prochaines semaines en rentrant d’une sortie en plein air ou en ouvrant un bon livre (de recettes, sûrement!) avec un thé. Peut-être aussi quelques-uns en préparant une autre programmation de webinaires!
Je vous souhaite un Noël BON, rempli de délices, de douceurs, d'amour plein le cœur et de rêves d'Italie...
Lucie
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